Les soliloques du pauvre

Dès la fin du XIXe siècle, Jehan-Rictus décide de transformer la langue de la rue en poésie. Ses écrits clament les misères du peuple pauvre. Ses poèmes sont imprégnés de son vécu, réglés sur la parole de ceux qui n’ont pas la parole. Dans une étonnante langue des faubourgs, c’est le chant des gueux et de leur misère…

Pourquoi et comment en est-on arrivés là?

Il y a plusieurs années ma tante Nathalie Stern, à qui je dédie cette mise en voix, m’a fait connaître ces Soliloques et conseillé d’en faire une carte blanche pour les « Comptoirs du Noir » inventés par Marie-Pierre de Porta au « Loup du Faubourg ». Tout ce que dit Rictus sur la condition humaine était et reste, hélas, d’une cruelle actualité. C’est pourquoi je désire maintenant faire entendre ses mots avec la complicité de deux artistes que j’aime.

Igor Oberg

J’avais entendu Igor dans une de ses premières lectures des Soliloques. Ce texte si original est depuis resté ancré dans ma mémoire et bien souvent, quelques bribes me revenaient. J’avais été alors surprise par la justesse de ces propos, leur vérité, leur acuité. Jehan-Rictus libère la parole de ceux qui ne l’ont jamais, en inventant une langue populaire, un argot, une parole forte, réaliste, cinglante, qui nous rappelle parfois celle des slameurs d’aujourd’hui.Quand Igor m’a demandé de le diriger dans cette mise en voix j’ai voulu travailler sur l’évidence musicale, la rythmique de la langue, la dure, lente et stridente résonance d’un corps et d’une âme meurtris par l’existence passée sur les pavés de Montmartre.Tant qu’il y aura des lendemains qui déchantent il y aura des pauvres gens et il faudra dénoncer la misère avec les mots de ceux qui la subissent.

Chloe Jarsky Decoust

Ma première rencontre avec Jehan Rictus s’est faite alors que je construisais avec Vincent Vittoz (metteur en scène) et Christophe Maynard (piano) un spectacle autour du répertoire de Marie Dubas, cette exceptionnelle fantaisiste de l’entre deux-guerres. En effet, même si cela m’intriguait, j’avais décidé d’y inclure « La prière de la Charlotte ». Au fur et à mesure que Charlotte et moi nous nous sommes apprivoisées, l’émotion et le plaisir de dire et de jouer ce texte ont grandi, et cela continue encore aujourd’hui.Aussi, lorsque Chloe Jarsky Decoust et Igor Oberg m’ont parlé de leur projet autour des « Soliloques du Pauvre », j’ai tout de suite accepté, impatiente que j’étais de me replonger dans l’univers de ce poète.

Edwige Bourdy

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« Faire enfin dire quelque chose à quelqu’un qui serait le Pauvre, ce bon pauvre dont tout le monde parle et qui se tait toujours. Voilà ce que j’ai tenté. »